Soirée exceptionnelle au théâtre de Caen avec la venue de l’Orchestre de l’Opéra national d’Ukraine. La formation musicale répondait à l’invitation du Mémorial de Caen, dont le directeur, Kléber Ahroul, a voulu marquer ainsi un « soutien indéfectible au peuple ukrainien dans son combat pour la liberté ». Dirigé par Mykola Diadiura, l’orchestre a reçu dans une salle pleine un accueil aussi chaleureux que prolongé. Il saluait le courage de ces musiciens, pour qui le passage à Caen aura été une courte période de répit, au même moment où Volodymyr Zelensky, était reçu à l’Elysée. Il a même été envisagé que le président ukrainien fasse un détour à Caen, ce qui aurait entraîné un renforcement autre de sécurité. L’idée a été vite abandonnée.
Le Carnaval baroque : tréteaux et barriques
En ces temps de morosité que tente de conjurer une flamme olympique nomade, le spectacle de clôture (ou presque) la saison du théâtre de Caen, a vertu à stimuler les zygomatiques. « Le Carnaval baroque » imaginé par Vincent Dumestre et son Poème Harmonique associe musique, farce et acrobaties. La mise en scène haute en couleurs de Cécile Roussel donne le ton à un vent de folie truculent. Il entraîne dans une Sérénissime en fête, riche de ses compositeurs du XVIe-XVIIe siècles.
Un « Dom Juan » de bruit et de fureur
Avec « Dom Juan ou le Festin de Pierre », Molière venait bousculer le bal des hypocrites _ l’affaire « Tartuffe » n’est pas loin. Pour cette pièce singulière, le metteur en scène David Bobée, directeur du Théâtre du Nord, opte pour un personnage moins séducteur que prédateur. Il ne le ménage en rien dans un spectacle où les saillies comiques d’un Sganarelle sont submergées par l’énergie féroce et pathétique de son maître. Elle bascule vers la dramaturgie shakespearienne, soutenue par une musique percutante jusqu’au KO fatal. Une distribution cosmopolite caractérise aussi ce travail, qui tient le spectateur en haleine.
Quatuor Cambini, mouvement et mouvement
En un seul trimestre, le Quatuor Cambini a rempli son contrat de la saison 23-24. Comme un coup d’accélérateur dans le slalom d’un calendrier bien chargé, avant la dernière ligne droite au bout de cette Route 68. Dans un an, la formation emmenée par Julien Chauvin aura interprété l’intégrale quatuors de Josef Haydn (1732-1809), le créateur prolifique du genre. Les foyers du théâtre de Caen en sont le lieu d’accueil, où, à chaque rendez-vous, une personnalité est invitée. Cette fois, pour ce troisième concert, c’est Alban Richard, directeur du Centre chorégraphique national de Caen-Normandie, pour parler des relations entre musique et danse.
« On achève bien les chevaux », « hippodrame »
Du célèbre roman d’Horace Mc Coy, « On achève bien les chevaux » (1935), le cinéaste Sydney Pollack a tiré une adaptation marquante, en 1969, avec la remarquable Jane Fonda. Le transposer au théâtre était un défi que se sont lancés le chorégraphe Bruno Bouché et les metteurs en scène Clément Hervieu-Léger et Daniel San Pedro. Danseuses et danseurs du Ballet de l’Opéra du Rhin, comédiennes et comédiens de la Compagnie des Petits Champs ont investi la scène du théâtre de Caen dans un tourbillon haletant.
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« Les Dissonances » tirent leur révérence
Des applaudissements à tout rompre, une ovation debout. Le public du théâtre de Caen a salué chaleureusement le magnifique concert donné par collectif « Les Dissonances » et son fondateur et animateur, le violoniste David Grimal. Cet accueil exprimait une reconnaissance teintée de regret, sachant que ce rendez-vous était le dernier. L’année 2024 marque les vingt ans d’une formation atypique, mais son modèle, mis à mal par les contraintes financières, oblige à baisser le rideau à la fin de l’année. L’orchestre ne reviendra pas à Caen, où il aura laissé de beaux et grands souvenirs. Avec les musiques de Béla Bartók et de Serge Prokofiev pour cette ultime rencontre.
Le Quatuor Cambini et l’art de la perruque
Le Quatuor Cambini-Paris voir poindre le bout de sa « Route 68 ». Depuis 2017, la formation conduite par Julien Chauvin s’est engagée dans un projet fou : interpréter l’intégrale des quatuors de Josef Haydn, inventeur et maître du genre. Les foyers du théâtre de Caen accueillent cette aventure de trois étapes par saison. Son originalité réside aussi dans la venue, à chaque concert, d’une personne spécialiste. Elle apporte, par ses connaissances ou son art, un éclairage sur l’époque du compositeur. Cette fois, il a été question de maquillages et de perruques.
« La Puce à l’oreille », sosie fan tutte…
Un Feydeau par la Comédie Française est une occasion qui ne se manque pas. Le public du théâtre de Caen ne s’y trompe pas, qui emplit les cinq représentations de « La Puce à l’oreille ». La pièce n’avait pas été montée depuis son entrée dans le répertoire de la prestigieuse compagnie, en 1978 ! La metteuse en scène suisse Lilo Baur, familière de la maison Molière, s’en est emparée avec la complicité active d’une troupe au diapason d’un vent de folie. Une cure de rire bien salutaire.
« Noetic », géométrie dans l’espace
Le théâtre de Caen a accueilli le Ballet du Grand Théâtre de Genève pour un double programme signé Sidi Larbi Cherkaoui. Le chorégraphe belgo-marocain est à la tête de cette belle troupe depuis deux ans bientôt. Il y a un contraste entre « Faun », un pas-de-deux inspiré de la musique de Debussy et « Noetic », pièce chorale créée pour la compagnie de l’Opéra de Göteborg (Suède). D’un côté, la mythologie ; de l’autre, une forme de futurisme. Une réalisation magnifique et aussi quelques réserves…
« Noetic »… atmosphérique. (Photo Grégory Batardon).
« Nocturne », le chant lumineux de La Tempête
Il est des soirées rares et par l’originalité d’un programme et par la qualité d’une exécution. « Nocturne », le concert vocal donné par la compagnie La Tempête à Notre-Dame de la Gloriette, à Caen, appartient à celles-là. Simon-Pierre Bestion, fondateur et chef du chœur, a eu l’idée féconde d’alterner les « Vigiles nocturnes » de Sergueï Rachmaninov avec des chants liturgiques orthodoxes des premiers temps chrétiens. Cette association entraîne dans une plongée spirituelle saisissante. Elle est marquée par un déplacement quasi chorégraphique des choristes et un jeu de lumières simulant un temps, de la tombée de la nuit au lever du jour. Impressionnant.