Scéniquement, ça commence comme la chanson de Charles Aznavour, « Viens voir les comédiens, les musiciens ». On y ajoute les chanteurs et les danseurs. Dans un tourbillon joyeux, les voilà, tels des saltimbanques à pousser caisses et chariots et planter le décor d’un spectacle forain, qui s’inscrit bien dans l’esprit des divertissements égayant les parties de chasse royale.
La nouvelle création des Arts Florissants, « Rameau, maître à danser » donne à découvrir deux pépites méconnues du compositeur, dont 2014 marque le 350e anniversaire de la disparition. « Daphnis et Eglé », pastorale héroïque et la « La Naissance d’Orisis », ballet en un acte, écrits à un an d’intervalle (1753 et 1754), se trouvent là réunis, comme si ces deux pièces se faisaient suite.
Passée avec le même bonheur du chant à la mise en scène , Sophie Daneman sait donner aux interprètes toute la grâce contenue dans ces œuvres. La musique de Jean-Philippe Rameau y contribue par son inventivité. On perçoit les germes harmoniques, mélodiques des futurs opéras comme « Les Paladins » ou « Les Boréades ».
Amour, amitié, le débat qui inspirera joliment trois siècles plus tard Pierre Vassiliu, se trouve au cœur de la relation entre Daphnis et Eglé. Le ciel grondant de l’orage vient, appuyé par Cupidon, trancher la cause. C’est l’amour que doivent choisir les deux jeunes gens, à la grande joie des bergers et des bergères entrant dans la danse.
Marie-Antoinette fera son miel de cet univers pastoral, largement idéalisé. Coïncidence intuitive, c’est pour célébrer la naissance du duc de Berry, son futur mari, Louis XVI, qu’est écrit le ballet « La Naissance d’Osiris ». Là encore, le tonnerre participe du coup de théâtre provoqué par les dieux et le son de la musette lance à nouveau le bal.
La « Belle danse » s’entrelace avec la musique et le chant dans une esthétique délicate, mise en œuvre par la chorégraphe Françoise Denieau. Révélations du Jardin des Voix, la Caennaise Elodie Fonnard, Reinoud van Mechelen et Sean Clayton maîtrisent leurs rôles. En revanche, le timbre de Magali Léger, l’interprète d’Amour, paraît plus fluctuant au sein d’une musicalité dans laquelle William Christie et les Arts Florissants sont passés maîtres. Et il se confirme que le manège de l’Académie de la Guérinière est, à Caen, une véritable découverte acoustique.
Le 7 juin 2014.
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