Bartabas a planté le chapiteau de son théâtre équestre Zingaro à la Colline aux oiseaux. Quatre ans après son troublant et trépidant « Calacas », le célèbre et singulier maître de manège ouvre à nouveau la saison du théâtre de Caen. « Ex Anima » offre un spectacle tout à la fois insolite et captivant, dont les chevaux sont les héros. A voir jusqu’au 25 octobre.
(Photo Marion Tubiana)
On n’est jamais au bout de ses surprises avec Bartabas. « Ex Anima », formule latine qu’on pourrait traduire par « De l’âme », témoigne de la relation forte qu’entretient l’artiste avec les chevaux. Et là, le patron de Zingaro pousse encore plus loin ce rapport au point de céder la main, si l’on ose dire, à ses compagnons équidés.
Certes, les cavaliers ne sont jamais loin, mais ils restent pied à terre se fondant avec leurs habits et calottes sombres dans la pénombre de la piste de sable noir. Selon un principe d’alternance d’obscurité et de lumière, chère à un Joël Pommerat, la première scène se révèle soudain forte d’une dizaine de chevaux, arrivés à pas de loup!
Une légère brume enveloppe le groupe, dont chacun tient un rôle. Certains restent immobiles ; d’autres au contraire s’allongent alternativement sur dos et se roulent sur le sable ; ici, deux se donnent l’accolage ; là, deux autres amorcent une chorégraphie, les antérieurs en avant.
On s’imagine surprendre un troupeau de chevaux sauvages à l’aube dans quelque clairière. Le son languissant d’une flûte rythme ce ballet lent, presque méditatif. La musique participe pleinement de ce spectacle avec le concours constant de la flûte. Celle-ci entraîne vers les steppes mongoles ou les vallées tibétaines, avec des incursions enjouées dans la verte Irlande.
La musique certes, agrémentée des percussions traditionnelles comme l’arbre à pluie ou les moulins à prière, mais aussi toutes sortes d’appeaux. Avec ces accessoires, les cavaliers créent tout un univers de cris d’oiseaux familiers. Du hululement du hibou au craillement de la corneille, ils apparaissent comme autant de points de repère auditifs dans une allégorie condensée du compagnonnage multiséculaire du cheval et de l’homme.
Sur les champs de bataille, dans les conquêtes, les travaux de force, au labour, à la mine, mais aussi dans les loisirs, le cirque, le cheval est indissociable de l’humanité et renvoie à la nécessité respectueuse de la nature. La scène finale, telle une cérémonie, tient de l’ode à la fécondité et donc à la préservation des espèces. Ce sont autant de rappels qu’offre cette compagnie de trente-six chevaux.
Elle pourrait bien être symbolisée ce placide cheval de trait, élégant avec poils longs impeccablement peignés au bas des pattes, et sur le dos duquel viennent se poser des colombes (Photo Marion Tubiana). Elles sont rejointes par un autre volatile non identifié (un pigeon ?) qui déclenche le sourire en peinant à prendre sa place. Mais chacun finit par trouver son compte. Le spectateur aussi, l’esprit stimulé par cette succession d’images paisibles.
Ex Anima, jusqu’au jeudi 25 octobre 2018, à la Colline aux Oiseaux, près du Mémorial de Caen, en semaine à 20 h, le dimanche à 19 h. Rens : 02 31 30 48 00. www.theatre.caen.fr
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