Deux soirées n’auront pas été de trop pour accueillir au théâtre de Caen la création emblématique d’Orad Naharin, « Decadance ». Interprété par compagnie junior du chorégraphe israélien _ Bathseva-The Young Ensemble _, le spectacle a emballé le public. L’Opéra de Paris vient d’inscrire la pièce dans son répertoire.
Personnalité importante de la danse contemporaine, Orad Naharin est un catalyseur d’énergies. Il la développe dans une technique qu’il appelle « gaga ». Cassant les codes du ballet, elle met en œuvre toutes les parties corporelles capables de mouvement et donne au geste une expression détonante, jusqu’à l’éclat de rire général. Cette capacité de réaction évoque les curseurs lumineux sur l’écran de la console d’un ingénieur du son.
« Decadance »en offre plusieurs exemples. Le ballet est composé d’extraits de créations qui jalonnent la carrière d’Orad Naharin. Ils constituent comme autant de piècesd’un puzzle et peuvent varier d’une représentation à l’autre. Le chorégraphe a imaginé la formule pour les dix ans de sa compagnie, en 2000. Le mot de « Decade » est l’exemple même du faux-ami. Il signifie en français« Décennie » et non pas une période de dix jours. Rien à voir non plus avec la « Décadanse » de Serge Gainsbourg.
Servie par dix-neuf jeunes interprètes explosifs d’énergie et aussi d’une grande maîtrise physique, la danse de Naharin se nourrit d’un large répertoire musical : airs traditionnels israéliens et arabes, mambo, cha cha cha, pop music, standards et mélodies de crooners. Il s’agit le plus souvent d’arrangements avec un son de rythmique poussé. Pieds nus, avec juste-au-corps, tee-shirts et jeans aux couleurs pastel, les danseuses et danseurs enchaînent les figures sans guère derépit.
Si, peut être, lorsqu’apparaissant en costume et chapeau noirs, tels de juifs orthodoxes, elles et ils invitent plusieurs spectateurs à monter sur scène et les entraînent dans une danse somme toute désordonnée. C’est sympathique, mais on n’en voit pas trop l’utilité quand succède un des morceaux de bravoure de la soirée, tiré d’« Anaphse », une des premières chorégraphies de Naharin, qui lui valut les foudres des religieux.
Toujours habillés de sombre, assis sur des chaises disposées en demi cercle, les interprètes chantent le « Echad Mi Yodea », sorte de comptine qui énumère de un à treize les enseignements juifs communs. Au terme de chaque strophe, ils se lèvent et sautent l’un après l’autre traçant ainsi dans l’espace une sorte de vague qui fait tomber en bout de chaîne le dernier des leurs. Et ainsi de suite jusqu’à finir en sous-vêtements en envoyant balader au milieu de la scène chaussures, chapeaux, vestons, chemises et pantalons… Comme d’un geste libérateur.
Représentations données au théâtre de Caen, le mardi 4 et le mercredi 5 décembre 2018.
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