Pour fêter ses vingt ans, le Poème Harmonique de Vincent Dumestre a opté pour un spectacle aussi insolite qu’électrisant. Associer au fil d’une déambulation musique pour partie sacrée et arts du cirque, il y avait de quoi tournebouler tout à la fois les connaisseurs du baroque et les amateurs d’acrobaties. Du théâtre de Caen l’église de la Gloriette, la démonstration a convaincu. Son titre « Elévations » lui collait parfaitement.
Vincent Dumestre et le Poème Harmonique (Photo Jean-Baptiste Millot)
Il est comme ça des projets un peu fous ! De ceux qui vous projettent dans une sorte d’inconnu, de pari aussi. Car faire entendre des airs religieux de la Rome du XVIIe siècle, tandis qu’évoluent des circassiens, c’est chose rare sinon inédite. A l’occasion du vingtième anniversaire de son ensemble Le Poème Harmonique, Vincent Dumestre partage cette audace avec la compagnie MPTA (Les Mains, les Pieds et la Tête Aussi) de Mathurin Bolze.
D’un côté des cordes, y compris vocales ; de l’autre, des roues et un trampoline. Tour commence dans les foyers du théâtre. Un air de procession entraîne dans une atmosphère à la fois pieuse et allègre. Se répondent les voix de la soprano Claire Lefilliâtre et du haute contre Bruno Le Levreur dans un chant à la Vierge. Les chanteurs et musiciens surplombent du deuxième balcon l’espace des foyers coupé par une scène.
Le public réparti de part et d’autre voit patienter celui qui va se révéler un virtuose de la roue Cyr, grand cerceau métallique. Juan Ignacio Tulan, artiste argentin danseur de formation, est comme « L’homme de Vitruve », le célèbre dessin de Léonard de Vinci avant d’animer l’agrès sur l’air de la chaconne de Tarquinio Merula. Avec une maîtrise confondante, il se joue des pieds et des mains pour dompter la force centrifuge qu’il impulse à la roue, qui, d’accessoire, se métamorphose en véritable partenaire. La musique participe de ce ballet ondoyant fascinant.
Depuis cette entrée en conférence du cirque et de la musique, le dialogue se poursuit dans la grande salle. Le célèbre et poignant « Lamento della Ninfa » tiré des Madrigaux de Monteverdi introduit et accompagne l’intervention de Mathurin Bolze. Imaginez en grand une roue, de celle d’une cage de hamster. La comparaison s’arrête là. Car de son usage, loin de galoper comme sur un tapis roulant, l’artiste en tire des figures et des postures élégantes et fluides.
Il évoque tout autant Chaplin pris dans les engrenages des « Temps modernes » qu’un homme invisible quand sa paire de chaussures trace des pas dans la roue encore en mouvement. Le tout dans un tempo subtil et rigoureux, qui a mis à l’épreuve la violoniste. Au moment d’entamer l’air de la Sonata Prima de Dario Catello, une corde a sauté (non pas « à sauter »).
L’incident passe presqu’inaperçu grâce à la solidarité spontanée des collègues de Fiona-Emilie Poupard. Mais la violoniste ne peut réparer qu’en direct. Ce qu’elle fait avec sang froid pour enchaîner à temps tandis que Juan Ignacio Tula entame une véritable performance qui tient à la fois du hula hoop que du derviche tourneur. C’est là sans doute où l’on touche, avec le « Lamento d’Arianna » (de Monteverdi à nouveau) cette démarche spirituelle suscitée par les cadences répétées, avec un final magnifique quand la roue achève ses ondulations comme un dernier soupir.
La dernière partie qui entraîne le public jusqu’à Notre-Dame de la Gloriette pourrait le laisser prévoir avec le chant pieux « In te Domine Speravi » interprété de façon éclaté dans l’église. D’élévations, il est effectivement question avec les voltigeurs de trampoline Mathurin Bolze, sorti de sa roue, et son alter ego, Karim Messaoudi, visage d’ange qui aurait pu inspirer Le Caravage.
Sur les « Lamentations du premier jour » d’Emilio de’Cavalieri, le duo tisse une histoire pleine de rebondissements spectaculaires au cœur d’un chœur qui n’en aura jamais vu autant. Elle entraîne vers un autre monde, les temps d’une suspension aussi éphémère que réconfortante. L’humour s’y révèle aussi spontané que candide. C’est beau, intelligent, respectueux. Les (éventuelles) réticences d’esprits chagrins allergiques à cette démarche iconoclaste ne sont que tempête dans un verre d’eau.
L’incident passe presqu’inaperçu grâce à la solidarité spontanée des collègues de Fiona-Emilie Poupard. Mais la violoniste ne peut réparer qu’en direct. Ce qu’elle fait avec sang froid pour enchaîner à temps tandis que Juan Ignacio Tula entame une véritable performance qui tient à la fois du hula hoop que du derviche tourneur. C’est là sans doute où l’on touche, avec le « Lamento d’Arianna » (de Monteverdi à nouveau) cette démarche spirituelle suscitée par les cadences répétées, avec un final magnifique quand la roue achève ses ondulations comme un dernier soupir.
La dernière partie qui entraîne le public jusqu’à Notre-Dame de la Gloriette pourrait le laisser prévoir avec le chant pieux « In te Domine Speravi » interprété de façon éclaté dans l’église. D’élévations, il est effectivement question avec les voltigeurs de trampoline Mathurin Bolze, sorti de sa roue, et son alter ego, Karim Messaoudi, visage d’ange qui aurait pu inspirer Le Caravage.
Sur les « Lamentations du premier jour » d’Emilio de’Cavalieri, le duo tisse une histoire pleine de rebondissements spectaculaires au cœur d’un chœur qui n’en aura jamais vu autant. Elle entraîne vers un autre monde, les temps d’une suspension aussi éphémère que réconfortante. L’humour s’y révèle aussi spontané que candide. C’est beau, intelligent, respectueux. Les (éventuelles) réticences d’esprits chagrins allergiques à cette démarche iconoclaste ne sont que tempête dans un verre d’eau.
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« Elevations », spectacle donné mercredi 22 et jeudi 23 mai 2019, au théâtre et à Notre-Dame de la Gloriette à Caen
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