Parenthèse aussi enchantée qu’estivale répondant au festival de Pâques, la 18e édition de l’Août musical de Deauville s’est fermée sur de fort belles pages de Richard Strauss, Franz Liszt et Robert Schumann. Dans un programme typique de musique de chambre, on a pu apprécier des jeunes talents déjà familiers de la salle Elie-de-Brignac conduits par la pétillante violoniste Alexandra Soum.
A chaque concert de la salle Elie-de-Brignac, on a du mal à imaginer que ce lieu qui sonne si bien fait aussi écho au feu des enchères consacrées aux yearlings. C’est d’ailleurs sa vocation première. Ces ventes de futurs cracks des champs de course succèdent traditionnellement à l’Août musical, qui, lui, donne à son directeur artistique, Yves Petit de Voize, l’occasion de faire connaître ses « poulains ».
Et si on veut bien remonter dans le temps, on peut que saluer la finesse de jugement d’YPV à repérer des interprètes pleins de potentiel. La liste et longue de celles et ceux passés par Deauville et couvés par la Fondation Singer-Polignac, la permanence ô combien salutaire du festival, ont gagné en notoriété, mènent carrière et hissent vers le haut le niveau général de la musique en France.
La voix a été au cœur de plusieurs soirées de ce 18e Août musical avec les concours de la mezzo-soprano Adèle Charvet ; des sopranos Marie-Laure Garnier et Clémentine Decouture et du ténor Paco Garcia _ ces trois derniers dans un double programme Olivier Greif enregistré par le label B. Records. Cette même voix n’était pas loin en ouverture du dixième et ultime concert.
Le sextuor de « Capriccio » ouvre un débat que développe l’opéra de Richard Strauss, à savoir qui de la musique ou de la poésie a l’avantage sur l’autre. Le cœur de la comtesse Madeleine en est l’enjeu. On se tiendra prudemment à l’écart de la discussion pour ne retenir que la beauté intrinsèque de cette partition d’une douzaine de minutes.
Elle place l’auditeur en totale fascination. A la tête de ce sextuor, Alexandra Soum apporte son enthousiasme généreux et sa délicatesse. Passés à bonne école _ on pense à Adrien Bellom, violoncelliste, ancien élève de Jérôme Pernoo, un des quatre fondateurs du festival de Pâques _, le violoniste Shuichi Okada ; les altistes Mathis Rochat et Manuel Vioque-Judde ; le violoncelliste Bumjun Kim confirment par la justesse de leurs interventions, l’équilibre de leurs jeux respectifs, une maturité déjà perceptible au cours de précédents concerts deauvillais.
L’interprétation, en toute fin de programme, du sextuor n°2 en sol majeur de Brahms, a été à ce titre exemplaire. On retrouvait les six mêmes musiciens toujours sous la conduite de l’épatante Alexandra Soum. L’œuvre est codée, du moins contient un message subliminal dans le premier mouvement par les cinq notes répétées ici par la violoniste. Dans la notation germanique transparaît le prénom d’Agathe von Siebold à laquelle le compositeur vouait une passion.
Reste au fil des quatre mouvements, une œuvre dense saluée très chaleureusement par le public. Aux applaudissements nourris, Alexandra Soum et les siens ont associé les pianistes Guillaume Bellom et Ismaël Margain. Normal. Tous deux avaient, en fin de première partie, fait montre de leur talentueuse complicité, maintes fois éprouvées à Deauville.
Et, on ne s’en lasse pas. La Fantaisie pour piano à quatre mains en fa mineur de Schubert offre aux deux musiciens un idéal terrain de jeu, si on ose dire. Le tempérament du compositeur se retrouve dans cette œuvre à la fois allègre et mélancolique, voire teintée d’interrogation. Guillaume Bellom et Ismaël Margain en expriment les nuances avec brio dans un « pas de deux » pianistique réglé au cordeau et rythmé par l’intervention de Jean Fröhlich, régisseur et tourneur de pages dont le bras de basketteur l’autorise à se soulever à peine de son siège.
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Concert donné le samedi 10 août 2019, salle Elie de Brignac, à Deauville.
Rappelons que les concerts, tant du festival de Pâques que de Août musical se retrouvent sur le site musique.aquarelle, où ils sont gratuitement disponibles à l’écoute.
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