Evidemment, on ne pouvait prévoir que le récital de Justin Taylor coïnciderait avec la demi-finale du Mondial, France-Maroc ! On peut être mélomane et amateur de football. Difficile quand même de ne pas céder au plaisir d’entendre le jeune surdoué du clavecin dans un programme Rameau, ce soir-là dans les foyers du théâtre de Caen. Lui-même n’est pas insensible au ballon rond. Et de façon prémonitoire, il a inscrit dans ses bis une « Marseillaise » enjouée. Au même moment, à peu près, Randal Kolo Muani, à peine entré sur le terrain, marquait le deuxième but expédiant les Bleus en finale !…
Un cornet qui ne laisse pas de glace!
À un peu plus d’une semaine d’intervalle, le théâtre de Caen a fait résonner la musique vocale italienne, si riche d’inventivité et de séduction à la jointure des XVIe et XVIIe siècles. Il y a d’abord eu La Guilde des Mercenaires, conduite par le corniste et enfant du pays, Adrien Mabire, dans un programme intitulé « La Légende Noire », consacré au sulfureux Carlo Gesualdo. Puis, dans l’église Notre-Dame de la Gloriette, le Poème Harmonique de Vincent Dumestre, qui a interprété de magnifiques pages de Monterverdi à Allegri, regroupées sous le titre « Anamorfosi ».
« Le Miroir de Jésus », la spiritualité de Caplet
André Caplet (1878-1925) fait partie de ces compositeurs représentatifs de l’essor de la musique française à la charnière du XIXe et du XXe siècle. Ce musicien doué, précocement reconnu par ses pairs, reste encore assez peu joué, y compris dans sa région natale _ il est originaire du Havre. L’Orchestre régional de Normandie comble cet oubli relatif avec le chef d’œuvre, quasi testamentaire, de Caplet, « Le Miroir de Jésus ». L’église Notre Dame de la Gloriette, à Caen, en a offert un cadre propre à une écoute instantanément captée.
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« Treemonisha », l’arbre de vie
Ouverture de saison réussie. Le public du théâtre de Caen a réservé un accueil enthousiaste à la compagnie sud-africaine Isango et à son spectacle « Treemonisha », dont c’était la première avant une tournée. Avec cette œuvre, le compositeur Scott Joplin signait là le premier opéra par et pour des Afro-américains. L’Isango Ensemble et son metteur-en-scène, Mark Dornford-May en ont tiré une adaptation très percussive sans en affecter l’esprit positif.
Un Dandin dindon, oui et non…
Du répertoire de Molière « Georges Dandin ou le mari confondu » est un titre connu. Mais personne, aujourd’hui, ne peut prétendre avoir vu cette pièce dans sa forme originelle de comédie-ballet avec la musique de Lully. C’est le défi fou relevé par Michel Fau, qui signe la mise en scène et tient le rôle-titre de cette farce grinçante. Elle est servie par une distribution de qualité tant dans le jeu des comédiennes et comédiens que dans l’interprétation musicale de l’Ensemble Marguerite Louise. Molière avait ouvert la saison 2021-2022 du théâtre de Caen avec « Le Bourgeois Gentilhomme » de Jérôme Deschamps. Il la clôture, ou presque, de belle façon dans un décor royal et versaillais, baroque à souhait, et des costumes à l’avenant signés Christian Lacroix.
Franck et Les Siècles : Ave César
Après Camille Saint-Saens, dont 2021 marquait le centenaire de la disparition, un autre compositeur est mis à l’honneur cette année, César Franck, dont on célèbre le bicentenaire de la naissance (1822-1890). Cela mérite bien un salut. Du musicien franco-belge, on retient surtout son œuvre pour orgue et son quintette. C’est oublier de magnifiques pages orchestrales et concertantes. François-Xavier Roth et sa formation Les Siècles entreprennent de les faire redécouvrir en compagnie du merveilleux pianiste Bertrand Chamayou. La Symphonie en ré reste la pièce la plus jouée de César Franck. Unique aussi dans sa production, elle complétait le programme de ce concert accueilli au théâtre de Caen.
« Route 68 » et l’indicateur des partitions
Quinzième étape de l’intégrale des quatuors de Joseph Haydn, les Cambini-Paris poursuivent leur « Route 68 » dans les foyers du théâtre de Caen. Comme à l’habitude, l’audition de trois opus est agrémentée d’un thème. Cette fois, avec pour titre « Du graveur au musicien », il s’agit des partitions. Entre l’intention du compositeur et la pression de l’éditeur, il peut y avoir des différences du manuscrit à la publication. C’est le rôle de la musicologie d’arriver à proposer un document qualifié « d’historiquement informé ». Julien Dubruque est responsable éditorial au Centre de musique baroque de Versailles. Il était l’invité de cette nouvelle session. Lire la suite « Route 68 » et l’indicateur des partitions
Un grand « huit » en clôture à Deauville
Le dernier concert du 26e Festival de Pâques de Deauville a été dédié à Nicholas Angelich, décédé deux semaines plus tôt, le soir du lundi pascal. Dans un message transmis par vidéo, Renaud Capuçon a salué, ému, la mémoire du pianiste, co-fondateur comme lui du festival deauvillais. À un immense talent d’interprète, Nicholas Angelich associait un tempérament bienveillant, d’une grande bonté. À l’issue de leur récital à quatre mains, les pianistes Ismaël Margain et Guillaume Bellom ont souscrit au portrait de cet artiste, qu’ils ont aussi connu et apprécié comme professeur. De même, au terme de l’Octuor de Mendelssohn, Yan Levionnois, a, au nom des deux quatuors Hermès et Hanson, témoigné de tous les bienfaits recueillis par celles et ceux qui ont côtoyé ce pianiste si attachant.
« Alcina », l’amour en trompe-l’œil
Belle et grande production que cette « Alcina » de Haendel, présentée deux soirs de suite au théâtre de Caen. Vávlav Luks, à la tête de Collegium 1704 et Jiří Heřman à la mise en scène, donnent à cette production tchèque un souffle musical et une inventivité, servies par décor étonnant, mouvant et polymorphe. Cet opéra est un festival d’arias et de prouesses vocales. Dans le rôle-titre, la soprano canadienne Karina Gauvin mène une distribution internationale hors-pair, parmi laquelle le jeune contre-ténor américain Ray Chenez s’affirme comme un nom vraiment à suivre.
Le Consort et les trois claviers
On sait Mozart (1756-1791) une valeur sûre. Le Festival de Pâques de Deauville est attentif à la découverte de répertoires. Mais il a aussi soin de doser ses programmes. Le prodige de Salzbourg satisfait sans conteste un public, moins porté sur les compositeurs du XXe siècle. Cette soirée du dernier jour d’avril avait tout pour lui plaire avec un choix d’œuvres _ sonates et concertos _ qui couvrent près de quinze ans de la vie de Mozart. L’interprétation enthousiaste du Consort lui a donné une qualité profonde et délicate. Justin Taylor, successivement au clavecin, à l’orgue et au piano forte, s’y est associé avec une aisance confondante.