Du « Voyage de Gulliver », le célèbre conte de Jonathan Swift (1726), Valérie Lesort et Christian Hecq tirent une adaptation inventive et pleine de fantaisie. Le message n’en est pas pour autant édulcoré qui dénonce l’absurdité de la guerre, la déraison de ses motifs et, au bout du compte, la soif du pouvoir. L’actualité lui donne une singulière résonnance sous le masque du rire. C’est au théâtre de Caen, jusqu’à dimanche.
On connaît l’étrange aventure de Lemuel Gulliver. Chirurgien de marine, il est le seul rescapé d’un naufrage. Il échoue sur une île, dont les habitants sont minuscules. Le géant est fait prisonnier. Il échappe à la condamnation à mort grâce l’impératrice Cachaça. Celle-ci voit combien cet « homme montagne » pourrait rendre de services à la nation Lilliput, en conflit avec l’île voisine de Blefescu. Les belligérants s’opposent sur la façon d’ouvrir un œuf à la coque ! Il y a les petits-boutistes et les gros-boutistes…
Pas encore les jusqu’au-boutistes ! Gulliver mettra le problème à plat en suggérant la solution de l’œuf miroir (comme l’aime l’inspecteur Lavardin-Jean Poiret chez Claude Chabrol). Entretemps, notre chirurgien connaît pas mal de péripéties, entre empereur versatile, savant farfelu, procès pour avoir éteint un incendie en urinant, bataille navale. Valérie Lesort et Christian Hecq, dont c’est la sixième collaboration, associent leurs talents dans cette libre mise en scène du premier des livres du « Voyage de Gulliver ».
Elle, est tout à la fois comédienne, plasticienne et marionnettiste. Lui, est sociétaire de la Comédie française, célèbre pour son jeu désopilant de chutes et de contorsions. Leurs qualités se font complices dans une mise en scène pleine de surprises. La première est cette disproportion pleinement entre Gulliver et les Lilliputiens, interprétés par les comédiennes et comédiens rapetissés en marionnettes. L’effet bluffant tient à une scénographie de castelet en boite noire, d’éclairages et de scène en pente qui convergent à une illusion visuelle.
Habillage et grimage sont les deux matrices d’un véritable livre d’images, animé de situations burlesques et de déplacements qui portent la griffe d’un Christian Hecq. Ajoutez à cela des voix de « cartoons » _ l’impératrice Cachaça y excelle _ un ballade très sixty ou encore une chanson comme sortie du répertoire d’Indochine. Un petit bijou de drôlerie poétique et de fantaisie satirique.
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Au théâtre de Caen, depuis le mercredi 2 mars jusqu’au samedi 5 (18 h) et dimanche 6 mars (15 h 30) 2022.
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