Au confluent du jazz et du classique, la création de Régis Huby « Métamorphoses » constitue une découverte mémorable. On la doit aux musiciens du Large Ensemble, complices de toujours du compositeur et à ceux de l’Orchestre régional de Normandie. Donné en première audition, en mars dernier, à l’issue d’une résidence, au Trident à Cherbourg, le concert était programmé, jeudi 28 avril, au théâtre de Caen. Il laisser un souvenir marquant. On n’a qu’une hâte, celle d’un enregistrement.
Violoniste, improvisateur, arrangeur, producteur et compositeur donc, Régis Huby est aussi un véritable alchimiste. Réunir sur une même scène, une formation plutôt versée dans la musique de chambre et le symphonique et un groupe de jazz rôdé à l’improvisation, est un défi relevé avec panache.
Le choix de l’Orchestre régional de Normandie paraît évident tant l’éclectisme est la marque de ce groupe. Son récent programme en atteste qui, d’associé au tour de chant de François Morel passe à une symphonie de Mozart et un concerto de Schumann avec le violoniste Pierre Fouchenneret.
C’est avec le même bonheur que Jean Deroyer et l’orchestre qu’il dirige partagent cette nouvelle aventure musicale, ce mariage que symbolise une personnalité comme le violoncelliste Atsushi Sakaï. Membre du quatuor Cambini, familier du Concert d’Astrée d’Emmanuelle Haïm ou du Concert de la Loge de Julien Chauvin, le musicien est aussi à son aise avec le Large Ensemble.
« Métamorphoses » est une pièce en plusieurs séquences, introduites chacune par un solo, ou un duo, pour ensuite s’amalgamer dans un ensemble sonore tempétueux , avec en figures de proue une clarinette basse et un trombone caverneux. Ceci juste pour donner une impression générale. Comme le laisse deviner le titre, « Métamorphoses » se vit comme une succession de formes, de couleurs.
Régis Huby fait l’analogie avec l’existence de tout un chacun modifiée, influencée au gré des événements. L’influence musicale est aussi évidente qu’assumée. Ce peut être la musique répétitive frottée au free jazz ; le minimalisme pianistique d’un John Cage auquel répond une clarinette échappée d’une partition de Gerschwin vers des sons extrêmes ; des cordes se faisant la belle sur des portées insolentes et insolites ; des rythmiques exotiques ponctuées d’humour, avec en écho un vibraphone virtuose et une guitare électrique saturée. Et on en oublie…
Tout cela est parfaitement construit dans un jeu de va-et-vient entre les sections du Large Ensemble et les pupitres de l’Orchestre régional de Normandie. Cela dure une heure dix et on aurait encore bien pris une rasade de plus de ce tonique musical à sensations fortes. Santé!
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Concert donné le jeudi 28 avril 2022, au théâtre de Caen.
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