Le Quatuor Cambini et l’art de la perruque

Le Quatuor Cambini-Paris voir poindre le bout de sa « Route 68 ». Depuis 2017, la formation conduite par Julien Chauvin s’est engagée dans un projet fou : interpréter l’intégrale des quatuors de Josef Haydn, inventeur et maître du genre. Les foyers du théâtre de Caen accueillent cette aventure de trois étapes par saison. Son originalité réside aussi dans la venue, à chaque concert, d’une personne spécialiste. Elle apporte, par ses connaissances ou son art, un éclairage sur l’époque du compositeur. Cette fois, il a été question de maquillages et de perruques.

Le programme de la « Route 68 » est concentré cette saison sur le seul premier trimestre 2024. Janvier, février et mars sont à l’agenda du Quatuor Cambini : trois concerts pour l’interprétation de neuf quatuors de plus. La barre des cinquante-huit est franchie. La saison 2024-2025 signera l’aboutissement de ce pari formidable, partagé par tout un public d’afficionados.

Le journaliste et musicologue Clément Lebrun accompagne depuis le début le projet par ses présentations et commentaires. C’est lui aussi qui mène l’interview de l’invité du soir. Celle de ce concert a pris une forme particulière. Cécile Kretschmar, créatrice de maquillages, prothèses, masques et perruques pour le spectacle, a fait une démonstration de son art, en direct, sur modèle vivant.

Photo Xavier Alexandre
Sous le portrait de Josef Haydn (de gauche à droite), Julien Chavin, Pierre-Eric Nimylowycz, Karine Crocqunoy (Haydn 2!), Atsushi Sakaï et Cécile Agator. (DR).

Son idée était de transformer un visage en un portrait de Josef Haydn. L’œuvre du peintre Thomas Hardy représentant le compositeur en 1791 lui a servi de référence. Le tableau est conservé au Royal College of Music Museum, à Londres. La violoniste Karine Crocquenoy s‘est prêtée au jeu. Second violon titulaire du Quatuor Cambini ne peut jouer depuis plusieurs mois à cause d’un accident à la main. Sa venue a permis de rassurer les auditeurs sur l’évolution de sa guérison.

Cécile Kretschmar définit son travail comme une transformation.  « Caractériser » est le terme qu’elle affectionne. A prendre, sans doute, au sens de « character », qui signifie personnage en anglais. Pour elle, l’affaire est gagnée quand on en arrive à oublier la personne réelle.

Démonstration à l’appui. On a pu, entre deux exécutions de quatuors, voir l’évolution du visage de la violoniste se muter en « papa Haydn » : une prothèse de nez, préalablement préparée, des sourcils plus marqués, une perruque en poils de yak, avec rouleaux et catogan, et généreusement poudrée… Telles étaient les principales phases de l’intervention opérée et commentée par Cécile Kretschmar.

Le quatuor Opus 17 n°2, le seul de la série des 17 qui restait à interpréter, a ouvert la soirée. La magie des Cambini-Paris a opéré d’entrée. Le groupe des quatre (Julien Chauvin, violon ; Atsushi Sakaï, violoncelle ; Pierre-Eric Nimylowycz, alto ; et Cécile Agator, violon, qui remplace Karine Crocquenoy) est totalement imprégné de la musique de Haydn, depuis ce long compagnonnage. L’apparente facilité ne trompe pas devant la subtilité de la partition.

La douceur nostalgique du deuxième mouvement en est une belle traduction. La deuxième œuvre de la soirée était l’Opus 50 n°3. Ce quatuor fait partie d’un ensemble dit prussien, qui date de 1787. La dédicace est adressée à Frédéric-Guillaume de Prusse. L’œuvre répondrait à un quatuor que Mozart a dédié à Haydn. Une seule et même idée parcourt les quatre mouvements. Et le premier violon si prépondérant jusqu’alors laisse de la place aux trois autres voix, en particulier celle du violoncelle.

Comme son numéro le laisse indiquer, l’Opus 76 n°3 fait partie des derniers quatuors composés par un Josef Haydn au sommet de son art, qui donne à cette forme des élans symphoniques. Son intérêt porte sur construction autour du deuxième mouvement. Haydn y reprend le thème de l’hymne impérial austro-hongrois, qu’il venait d’achever, en 1797 pour François II. Ce quatuor s’appelle « L’empereur » depuis. Et sa mélodie reste familière puisque c’est celle de l’hymne allemand.

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Concert donné le lundi 5 février 2024, au théâtre de Caen.

 

 

 

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