Le Carnaval baroque : tréteaux et barriques

En ces temps de morosité que tente de conjurer une flamme olympique nomade, le spectacle de clôture (ou presque) la saison du théâtre de Caen, a vertu à stimuler les zygomatiques. « Le Carnaval baroque » imaginé par Vincent Dumestre et son Poème Harmonique associe musique, farce et acrobaties. La mise en scène haute en couleurs de Cécile Roussel donne le ton à un vent de folie truculent. Il entraîne dans une Sérénissime en fête, riche de ses compositeurs du XVIe-XVIIe siècles.

Chanteurs et acrobates dans un spectacle débridé. (Photo Aleksey Gushchin).

On est à la veille de l‘austérité du Carême, qu’annonce un Kyrie a cappella.  Pendant le chant, sur un rideau rapiécé, se succèdent, en ombres chinoises, des silhouettes monacales, tassées ou démesurées. Et puis, changement radical de décor, place aux réjouissances, au défoulement cathartique devant la rudesse de la vie.

Côté jardin, autour de Vincent Dumestre, les musiciens du Poème Harmonique, sur leur 31 vénitien et tout un choix d’instruments à cordes pincées et frottées. Les encadrent les sonorités si particulières du cornet à bouquin et du basson, au rythme de percussions changeantes.

La voix du ténor Paco Garcia, noblement vêtu comme ses partenaires, décrit par le menu l’intérêt de cette journée de carnaval, où s’impose un banquet. Inséparables comme les Dupondt, deux mimes et magiciens, fil orange qui parcourt le spectacle, viennent perturber cette « cène » païenne, par des tours de passe-passe, telle une multiplication de bouteilles !

Par enchaînement naturel, on passe du palais (gustatif aussi) à la rue, où roulent barriques, fûts et tonneaux, volent cageots, s’installent tréteaux. Acrobates et jongleurs investissent la scène aux rythmes de musiques populaires et d’airs de compositeurs qui ont laissé leurs noms : Monteverdi, Fasolo, Maletti… On est époustouflé par la virtuosité de ces saltimbanques, tant à manipuler massues, torches, balles… et cordes de guitare, qu’à grimper au mât chinois avec une souplesse de chimpanzé pour des figures insensées, ou encore à entraîner une roue cyr dans des ondulations au tempo impeccable.

D’une chasse à l’homme pour souligner qu’un carnaval peut tourner vinaigre, cette commedia dell’arte revisitée tourne au burlesque autour d’un castelet. Musicalement, s’insinuent des citations aussi inattendues qu’anachroniques, quelques mesures de la Marseillaise ou le très napolitain « O Sole Moi » !

Parodique aussi, le « Lamento del Naso » pastiche inspiré du « tube » monteverdien, le madrigal « Lamento della Ninfa », où La voix de la soprano Anaïs Bertrand fait merveille. Ses autres partenaires chanteurs, Martial Pauliat et Igor Bouin, ténor et baryton complète un quatuor vocal de haute tenue et pas avares de fantaisies contorsionnistes.

Cette soirée jubilatoire se conclut sur un tableau aux couleurs empruntées à la palette d’un Giovanni Bellini. Le temps d’admirer encore sous les salves d’applaudissements la beauté des costumes et des masques superbement éclairés.

 

Représentations données au théâtre de Caen, mardi 28, mercredi 29 et jeudi 30 mai 2024.

 

 

 

 

 

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