A l’heure de l’image numérique, le compositeur Benjamin Dupé propose un hommage original à la photographe Vivian Maier. « Vivian : clicks and pics », un opéra de chambre (noire), explore l’étrange démarche de cette nurse américaine qui a laissé des milliers de négatifs sans avoir opéré le moindre tirage. Par la voix de la soprano Léa Trommenslager et le piano de Caroline Cren, la musique de Benjamin Dupé sur un texte de Guillaume Poix, interroge le destin insolite d’une œuvre désintéressée devenue un business.
Lire la suite « Vivian: clicks and pics », en quête de révélateur
La compagnie La vie brève se singularise par des spectacles originaux où mots et notes de musique s’enchevêtrent subtilement. Avec « Tarquin », elle fait pénétrer dans ces zones troubles où le mal s’accommode de l’esthétique artistique. Bourreau et mélomane ne forment pas nécessairement un oxymore. « Tarquin », en référence au despote, dernier roi de Rome, entraîne dans l’Amérique du Sud, où des Nazis ont trouvé refuge. Sans la nommer, la personnalité du sinistre criminel Josef Mengele plane sur ce spectacle, où le burlesque agit comme une soupape.
La fondation Bru Zane, installée à Venise, a à cœur de faire redécouvrir tout un pan de la musique française du XIXe siècle. Le théâtre de Caen bénéficie de ce travail depuis plusieurs années. Dernière production en date, « Cendrillon » un opéra de Nicolas Isouard, créé en 1810 à l’Opéra-Comique, à Paris, inspiré du célébrissime conte de Charles Perrault. Avec dans la fosse le Concert de la Loge, dirigé par Julien Chauvin, l’œuvre, toute de fraîcheur mise en scène par Marc Paquien, réunit sur scène un quintet convaincant de chanteuses et chanteurs ainsi que deux comédiens irrésistibles.
Photo Cyrille Cauvet. Opéra de Limoges.
De Carlo Goldoni (1707-1793), on connaît surtout « Les Rustres » ou « La Villégiature ». Beaucoup moins « Une des dernières soirées de Carnaval » (1762) que sort pertinemment de l’oubli le metteur en scène Clément Hervieu-Léger. La pièce marque une étape fondamentale dans la carrière du dramaturge en rivalité avec le comte Gozzi sur la scène vénitienne. Il se résout à rejoindre Paris, où son théâtre sera, espère-t-il, mieux compris. Son public ne l’a pas suivi, lorsque, abandonnant le style de la Commedia dell’arte, il a orienté le genre de la comédie vers une ligne plus réaliste, plus satirique. « Une des dernières soirées » est comme un adieu en forme de manifeste.
©Brigitte Enguerand
Sébastien Daucé et son ensemble Correspondances entraînent avec « Psyché » dans le Londres de Charles II. Après les années austères du républicain Cromwell, l’Angleterre renoue avec la cour avec dans la ligne de mire du souverain en place le modèle de Louis XIV. C’est ainsi que le compositeur Matthew Locke se voit confier la mission de créer le premier opéra anglais. La « Psyché » Lully lui sert d’exemple. Sébastien Daucé s’en empare dans une version de concert, dont il a fallu combler des blancs. Avec ses musiciens et chanteurs, il a présenté au théâtre de Caen une reconstruction convaincante à souhait.
Brahms et Bruckner étaient au programme du concert des Dissonances, au théâtre de Caen. L’orchestre animé par le violoniste David Grimal a suscité le même enthousiasme qu’en avril 2018. Sous le titre de « Melancholia » étaient réunies deux œuvres majeures du répertoire romantique, le concerto pour violon de Johannes Brahms et la Symphonie n°9 d’Anton Bruckner. Avec des tempéraments différents, sinon opposés, de la part des deux compositeurs qui se suivaient en âge.
L’orchestre Les Dissonances a une nouvelle fois subjugué le public du théâtre de Caen. Et par la qualité de son programme germanique _ Richard Strauss, Alban Berg et Johannes Brahms _ et par sa méthode « sans chef » qui fait l’originalité de la formation fondée par le violoniste David Grimal. Le résultat témoigne un extraordinaire travail de cohésion pour une démonstration sans filet. A 75 musiciens sur scène, l’exploit n’est pas mince !
Lire la suite Les Dissonances : l’entente cordiale sans chef
Avec « Franchir la nuit », Rachid Ouramdane propose une vision poétique et sensible du déracinement que vivent les migrants. Premiers touchés par ces épisodes tragiques, les enfants. L’artiste, codirecteur du centre chorégraphique de Grenoble, fait participer des adolescents à chaque étape de la tournée de son spectacle. A Caen, ce sont des élèves du collège Guillaume-de-Normandie qui se sont retrouvés sur scène associés aux quatre danseuses et danseurs de la compagnie. La présence constante de l’eau concoure à une évocation émouvante.
Avec « Kind », la compagnie Peeping Tom boucle sa trilogie familiale, après « Vader » et « Moeder ». La compagnie belge, menée par le couple franco-argentin Gabriela Carrizo et Franck Chartier, ne perd rien de sa causticité dans une évocation cauchemardesque et drôle de l’enfance. On se retrouve à nouveau dans un spectacle inclassable qui tient tout autant du théâtre d’images que de la danse. De la musique aussi via une bande-son finement élaborée et forte en présence. On en sort plutôt groggy.
Photo Oleg Degtiarov